Au retour d'une expérience à l'étranger, reprendre sa vie d'avant est souvent un défi. Qu'est-ce-que le syndrome post-Erasmus, et comment y faire face ?
Vous avez déjà participé à un programme long d'échange à l'étranger ? Si c'est un oui, alors vous connaissez sans doute la fièvre des soirées étudiantes où plusieurs langues se mêlent, la surprise quotidienne qu'est celle de vivre dans un pays nouveau, et vous retirez de ce passage de votre vie un sentiment d'échappée belle inoubliable. Et plus l'euphorie que vous associez à cette expérience est intense, plus vous peinerez à la ranger dans un tiroir de votre mémoire.
Ce drôle de chagrin qui guette l'expatrié de retour, c'est le "syndrome post-Erasmus". Il se caractérise par des symptômes qui s'échelonnent de la douce nostalgie à la profonde dépression : perte de repères, déprime, sentiment d'incompréhension... Il accompagne le deuil (forcé) d'une période souvent synonyme de liberté et de découverte, qui vous marquera à vie.
Mais j'entends déjà les sceptiques : bien entendu, toute expérience positive se traduit, un jour ou l'autre, par une certaine nostalgie, et pas seulement un séjour à l'étranger. Un voyage, un stage réussi, une victoire sportive sont autant de vecteurs d'émotions fortes qui devraient donner lieu aux mêmes symptômes. Pourquoi alors existe-t-il un syndrome post-Erasmus et non pas un syndrome post-France 98, post-vacances réussies, post-promotion professionnelle, post-"j'ai eu mon Bac" ?
D'abord, parce qu'Erasmus s'inscrit sur le temps long. Des semaines passées à s'intégrer dans un environnement nouveau sont une victoire de chaque jour. Il ne s'agit pas seulement de maîtriser la langue : dans un pays inconnu, aller à la poste (go to the post office), faire ses courses (go grocery-shopping) ou assimiler les cours universitaires (try to work uni out while you party every now and then) sont autant de défis qui paraissent profondément banals dans son pays d'origine. Ces victoires du quotidien sont une source intarissable d'émancipation personnelle, ce qui n'est plus le cas lorsque l'on est de retour chez soi.
Ensuite, parce que vous peinez à le partager avec qui que ce soit. Vos amis étrangers sont retournés à leurs foyers respectifs, et il va falloir rivaliser d'ingéniosité pour les voir en dépit des frontières : déjà, on inscrit au marqueur "voyages" sur la tirelire cochon en vue de prolonger l'aventure. Pour couronner le tout, vos parents et amis, s'ils n'ont pas partagé une telle expérience dans leur vie, peinent à vous comprendre, et sont souvent lassés de vous entendre en parler 24h/24.
Enfin, parce que vous avez profondément changé. Vous revenez auréolé de cette expérience avec généralement une plus grande ouverture sur le monde, un appétit insatiable de voyage, et un côté plus "relax" qui ne passera pas inaperçu auprès de votre comité d'accueil. Retrouvant un monde qui, de son côté, n'a guère changé depuis votre départ, la transition est radicale et la chute très lourde.
Vous comprenez désormais le mal qui vous accable. Mais comme dans tout diagnostic qui se respecte, se prépare le fameux "C'est grave, docteur ?"
Ma réponse : non, ce n'est pas grave. C'est surtout naturel d'exprimer de telles émotions au retour d'une expérience aussi riche. Si vous êtes vous-même un expatrié sur le retour et qu'aucun mal ne vous accable, alors soit 1) votre entourage vous manquait tellement que vous n'aviez qu'une hâte, faire la valise du retour, soit 2) votre Erasmus ne s'est pas bien déroulé et vous souhaitez laisser tout cela derrière vous, soit 3) vous regardez naturellement vers l'avenir et n'êtes pas homme/femme à éprouver quelque nostalgie.
Pour tous les autres dont je devine qu'ils attendent un remède miracle, je suis au regret de vous décevoir : à ce jour, malgré l'implication de la communauté scientifique internationale, nul médicament n'est prescriptible pour faire tomber la fièvre Erasmus. Seuls le temps, l'engagement envers de nouveaux projets, et l'acceptation progressive de votre nouvelle situation vous arracheront à cet épisode tragique (mais nécessaire) qui succède à toute expérience Erasmus.
Néanmoins, voici quelques conseils pour y faire face en attendant que le temps fasse son œuvre :
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Lancez-vous dans un Erasmus II : le Retour. Bien entendu, rares sont les cursus universitaires qui vous renverront à l'étranger en un clin d'œil. Mais j'entends par Erasmus II une nouvelle expérience significative à l'étranger qui combine sortie de sa zone de confort, immersion dans une culture différente, et rencontres transnationales. Cela peut se faire via un stage/job à l'étranger, un séjour backpacking dans un nouveau coin du monde, un VIE...
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Retrouvez vos "Erasmus buddies". Un autre avantage d'avoir rencontré des nationalités variées au cours de votre périple : autant de fenêtres ouvertes sur le monde ! Traversez les frontières pour les retrouver dans leur pays d'origine, et invitez-les à faire de même. Entretenez la flamme de l'international dont votre Erasmus constituait l'étincelle.
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Acceptez la nostalgie ! Ne fuyez surtout pas les témoins de votre expérience réussie à l'étranger. Photos, musique, messages, lettres sont autant de moyens de revenir dans le temps, et donc d'accepter que ce tiroir de votre vie soit désormais fermé. Si vous vous en sentez capables, n'hésitez pas à rédiger en quelques pages un compte-rendu personnel de votre Erasmus, incluant les bonnes et les mauvaises surprises, les joies, les peines. Écrire est souvent un moyen thérapeutique permettant d'inscrire une expérience dans le passé.
Expatriés sur le départ ou dont le retour est imminent : rassurez-vous donc ! Le syndrome post-Erasmus peut paraître effrayant, mais il est surtout la preuve qu'un séjour à l'étranger change la vie. Certes, il faudra du temps pour que ce changement radical se grave durablement dans votre passé... Mais vous y aurez appris énormément sur les autres, sur le monde, et surtout sur vous-même. Alors ne laissez pas passer une telle chance ! Bon(s) voyage(s) !
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